La prostitution contre la sexualité féminine

La prostitution contre la sexualité féminine.

Laurence Biberfeld, essayiste et romancière, démonte l'intégration du patriarcat dans le capitalisme et les effets dévastateurs de la prostitution sur une sexualité égalitaire hommes/femmes.

La prostitution contre la sexualité féminine vidéo d'une heure 5 minutes, découpée en 5 parties (le son est souvent mauvais, désolé) :

Pour certains un droit, pour d'autres un dû, 10 minutes

Une chose, une marchandise, 4 minutes

L'église, la religion, l'armée, 12 minutes

Libre choix !, 4 minutes

Liberté pour qui ?, 9 minutes

Les clients, 29 minutes

Texte complémentaire de Laurence suite à mes commentaires : Télécharger ce texte

Quelques dates concernant la situation des femmes en France : Télécharger ce texte

En attendant une solution plus confortable, vous pouvez envoyer vos remarques et commentaires ici,
en précisant s'il peut éventuellement figurer dans cette page, ou non : Envoyer un commentaire

Commentaire reçu :

L'interview est assez super. Le son un peu perturbé.

PREHISTOIRE ET PATRIARCAT, commentaire du  05/12/21

« Ça fait un peu bizarre de se chamailler sur le patriarcat dans la préhistoire. »
As-tu écrit. Je réponds.

C’est encore plus bizarre de débattre des différences de charges électriques entre les particules d’un atome…
D’une manière générale, la science consiste à comprendre le réel au-delà de l’apparence.
Ainsi, contrairement aux apparences, la vision des rapports femmes-hommes dans la préhistoire a une portée politique immédiate et quotidienne.

Voir le débat avec Darmangeat et Lutte Ouvrière dans le magazine Partisan n°10.

La préhistoire est le lieu des caractéristiques fondamentales de l’humanité. Etant donné son éloignement, elle est le lieu de toutes les projections anachroniques et visions politico-philosophiques.

Les grandes questions vécues à l’époque sont en particulier le rapport à la Nature, la distinction homme-animal, et la différence hommes-femmes.
La discrimination de genre est la première grande division du travail, l’origine de toutes les inégalités qui vont suivre.

Un livre vient de paraitre, que je n’ai pas lu. "Au commencement était…", de David Graeber et David Wengrow, 752 pages. Je les soupçonne d’escamoter une dimension, car on ne peut s’aventurer en paléo-anthropologie sans quelques notions d’éthologie. Je vais (peut-être) le lire avec cette première interrogation en tête. 
Autrement dit, les premières tribus humaines ne sont pas sorties du néant, mais étaient en unité-contradiction avec les meutes animales. Il vaut mieux connaitre un peu les chimpanzés pour comprendre les hommes. Connaitre la « loi de la jungle » pour comprendre le XXIe siècle !

Ce n’est pas seulement un débat académique. Ce qui est en jeu, chez Anuradha Gandhi comme pour LO et pour nous, c’est la place du sexisme dans « l’intersectionnalité ». C’est une question pratique, politique, immédiate et quotidienne. 
De même que la connaissance des phénomènes intra-atomiques peut avoir des répercussions dans la totalité du mode de production !

Réponse de LB :

je ne me rappelle pas avoir parlé de préhistoire, mais c'est en effet une question passionnante, celle des origines du patriarcat. Là-dessus, je recommande chaleureusement le bouquin de Patou-Mathis, "l'homme préhistorique est aussi une femme, une histoire de l'invisibilité des femmes." C'est un essai passionnant d'une paléontologue renommée qui met les points sur les i. On y apprend ainsi que la paléontologie, comme l'anthropologie, est fille des XVIIIe-XIXe siècle, et qu'elle a souvent plus à voir avec les sociétés où elle a vu le jour qu'avec les sociétés préhistoriques. 
   Les dernières avancées de la paléontologie nous font découvrir des femmes paléolithiques grandes et vigoureuses, plus encore que les athlètes olympiques d'aujourd'hui. Elles ont des légions articulaires et des blessures qu'on ne se fait pas en torchant des mouflets ou en faisant la bouffe. On retrouve leurs traces de pieds et de mains jusqu'au fin fond des grottes, et sur certaines fresques qu'elles signent ainsi. En fait, il n'y a aucune trace physique ni matérielle d'une quelconque subordination. Le patriarcat apparaît au Néolithique, et pas dans toutes les sociétés, avec la sédentarisation et l'agriculture. Celle-ci permet l'abondance alimentaire mais réclame des bras. La propriété apparaît, ainsi que les hiérarchies, l'argent et la transmission. Les femmes, devenant des unités de production d'héritiers dont on doit s'assurer la provenance et de bras pour le travail, perdent la liberté sexuelle et la liberté tout court. Il n'est même pas certain qu'au paléolithique, la famille nucléaire existait. 
   En tout cas ni l'argent ni la propriété n'avaient cours dans ces groupes nomades de 30 à 60 personnes. Il faut dire qu'à la fin du paléolithique nous étions à peine un million sur terre, dans des sociétés certainement moins hétérogènes qu'aujourd'hui vu le petit nombre. Bref, l'agriculture invente la propriété, l'argent et le patriarcat, mais pas partout : il s'avère par exemple que telle tombe d'un grand chef Néolithique enterré avec ses armes, parures et boucliers abrite en fait un squelette de cheffe, et que telle autre tombe où on croyait que se trouvait une jeune fille magnifiquement parée de ses falbalas et bijoux est en fait celle d'un adolescent. Mais enfin le patriarcat apparaît dans certaines sociétés, et à partir de là il va s'étendre. Le libéralisme le rendra définitivement hégémonique en détruisant, lors du Grand mouvement de colonisation et d'anéantissement des peuples, toutes les sociétés dites matriarcales encore existantes (Horizontales, de consensus, sans propriété privée, généralement matrilinéaire et matrilocales, où personne n'est invalidé, sociétés de bien commun et d'alliances.) Patou-Mathis explique très bien comment à partir de la Renaissance, la misogynie, comme le racisme d'ailleurs, va devenir une solide théorie rationaliste, et comment les traces historiques des femmes vont être effacées de l'histoire. 
  Le rationalisme va imposer un scientisme essentialiste, et il faudra attendre les années 50 du siècle dernier pour qu'une solide déconstruction non moins scientifique (et même plutôt plus) s'enclenche, qui est loin aujourd'hui d'être terminée. Voilà l'essentiel de ce que j'ai à en dire. Inutile de le préciser, la prostitution n'existe que dans les sociétés patriarcales. À Sparte, qui n'en est pas une, où du reste l'argent a peu de valeur symbolique, et où une certaine égalité des sexes est la norme, elle n'existe pas.

Complément de LB sur un autre commentaire :

L'abolitionnisme dont je me réclame est celui de Butler, qui est un anti-réglementarisme et vise à abolir la prostitution en la rendant obsolète par le biais d'un changement de société. 
  Le Nid, dont je partage la plupart des analyses et respecte profondément le boulot, dérive au niveau des revendications vers ce que j'appelle un néo-prohibitionnisme, et là je suis en total désaccord avec elles, ne serait-ce que parce qu'une réponse pénale met entre les mains des corps les plus misogynes et patriarcaux de la société, police et justice, le règlement d'un problème issu de la misogynie et du patriarcat. La loi de 2016 avait un bon article, appliqué, l'abolition du délit de raccolage. Elle en avait deux autres bons, non appliqués car non financés et décentralisé pour le premier, les parcours de sortie et l'éducation, la sensibilisation des jeunes aux conséquences de la prostitution. Et elle en avait un hypocrite et désastreux qui était la pénalisation de l'achat de service sexuel, pas appliqué non plus dans les faits car le flic moyen et je juge lambda ont à peu près les opinions du client de base sur la prostitution, (les rapports sur les effets et l'application de la loi sont régulièrement publiés par le gouvernement) mais qui a eu le double effet retors de précariser encore plus les putains, c'est un fait, et d'offrir un boulevard médiatique par ce biais aux revendications pro-prostitution de toute une frange libertalienne et queer du mouvement féministe. 
  En plus le mot "abolitionniste" désigne aujourd'hui ce néo-prohibitionnisme qui de fait ne s'applique que dans une dizaine de pays, tous riches et pays de destination de la traite, alors que les pays réellement abolitionnistes (sans réponse pénale sur la prostitution elle-même, criminalisant uniquement le proxénétisme et la traite) sont plus de 70 et répartis sur tous les continents. Il faut vraiment clarifier ça. Malheureusement, les mouvements comme le Nid qui revendiquent une réponse pénale à l'opposée des principes abolitionnistes se réclament eux-même de l'abolitionnisme, entretenant la confusion. Ainsi "abolo" est devenu l'insulte la plus débile et la plus inexacte du champ des empoignades féministes.
Bref, on n'a pas le cul sorti des ronces...