La science enrôlée

Jean-Pierre Berlan, ancien économiste à l'INRA.

La science enrôlée par le capitalisme, vidéo de 1 heure 6 minutes, découpée en 6 parties :

1. Faire du profit avec ce que la nature fournit, 10 minutes

2. Le Capital s'empare de la biologie, 6 minutes

3. Le cas du maïs, manipulations et tromperies, 23 minutes

4. Multinationales, Etat, on est entre leurs mains, 15 minutes

5. L'agriculture bouffée par l'agro-industrie, 5 minutes

6. Les OGM, même punition, 6 minutes

Tous les résidents en France contaminés au glyphosate, article de Politis Cliquer ici

Un article de Cultivar de 2017 vantant les bienfaits de l’hétérosis Cliquer ici

Un article de JP Berlan sur les OGM tiré du site de la Confédération paysanne Cliquer ici

Critique du livre de Kohei Saïto « La nature contre le capital. L’écologie de Marx dans sa critique inachevée du capital » Cliquer ici

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Des citations qui prolongent le propos :

La grande industrie et la grande agriculture exploitée industriellement agissent dans le même sens. Si, à l’origine, elles se distinguent parce que la première ravage et ruine davantage la force de travail, donc la force naturelle de l’homme, l’autre plus directement la force naturelle de la terre, elles finissent, en se développant, par se donner main : le système industriel à la campagne finissant ainsi par débiliter les ouvriers et l’industrie et le commerce, de leur côté, fournissant à l’agriculture les moyens d’exploiter la terre.
Marx. Le Capital. Livre trois.

Tout progrès de l’agriculture capitaliste est non seulement un progrès dans l’art de piller le travailleur, mais aussi dans l’art de piller le sol : tout progrès dans l’accroissement de sa fertilité pour un laps de temps donné est en même temps un progrès de la ruine des ressources durables de cette fertilité . (...) Si bien que la production capitaliste ne développe la technique et la combinaison du procès de production social qu’en ruinant en même temps les sources vives de toute richesse : la terre et le travailleur.
Marx Le Capital Livre premier.

De nos jours, chaque chose paraît grosse de son contraire. Nous voyons que les machines douées du merveilleux pouvoir de réduire le travail humain et de le rendre fécond le font dépérir et s’exténuer. Les sources de richesse nouvellement découvertes se changent, par un étrange sortilège, en sources de détresse. (...) Toutes nos découvertes en tous nos progrès semblent avoir pour résultat de doter de vie intellectuelle les forces matérielles et de dégrader la vie humaine à une force matérielle. Cet antagonisme entre l’industrie et les sciences modernes d’une part, et la misère et la décomposition morale d’autre part, cet antagonisme entre les forces productives et les rapports sociaux de notre époque est un fait tangible, écrasant et impossible à nier.
Marx. Les révolutions de 1848 et le prolétariat.

C’est seulement avec la capitalisme que la nature devient un pur objet pour l’homme, une pure affaire d’utilité ; qu’elle cesse d’être reconnue comme une puissance en soi ; et même la connaissance théorique de ses lois autonomes n’apparaît elle-même que comme une ruse visant à la soumettre aux besoins humains, soit comme objet de consommation, soit comme moyen de production.
Marx.   Grundisse   ES p 349

Une société entière, une nation et même toutes les sociétés contemporaines réunies ne sont pas propriétaires de la terre. Elles n’en sont que les possesseurs, elles n’en ont que la jouissance et doivent la léguer aux générations futures après l’avoir amélioré en boni patres familias (en bons pères de familles).
Marx. Le Capital. Livre trois.

La nature et l’histoire sont les deux composantes qui nous font être ce que nous sommes
Engels. Lettre à Lamplugh. 1893

Lorsque la société a un besoin technique, cela impulse plus la science que ne le feraient dix universités.
Engels. Lettre à Borgius. 1894

Le capital est une contradiction en procès : d’une part il pousse à la réduction du temps de travail, et d’autre part il pose le temps de travail comme la seule source et la seule mesure de la richesse. Marx.  Grundisse  ES p 222

Les puissances intellectuelles de la production se développent d’un seul côté, parce qu’elles disparaissent sous tous les autres. Ce que les ouvriers parcellaires perdent se concentre en face d’eux dans le capital. La division manufacturière leur oppose les puissances intellectuelles de la production comme la propriété d’autrui et comme pouvoir qui les domine. Cette scission s’achève dans la grande industrie qui fait de la science une force productice indépendante du travail et l’enrôle auservice du capital.
Marx. Le capital. Livre premier

Il faut du temps et de l'expérience avant que les ouvriers, ayant appris à distinguer entre la machine et son emploi capitaliste, dirigent leurs attaques non contre le moyen matériel de production, mais contre son mode social d'exploitation.  
Marx Le Capital Livre premier.

Marx, si l'on met de côté les "textes de jeunesse", n'aborde la question de la "science", pour l'essentiel, que du point de vue du procès d'ensemble du capital, c'est-à-dire aussi, du point de vue de la Critique de l'économie politique. Or, sur ce terrain, il n'y a pas de place pour un concept de science tout constitué, tel qu'il est hérité du siècle des Lumières, où il s'est forgé comme arme de la bourgeoisie contre l'idéologie religieuse-chrétienne.(...) Autrement dit la "science" n'apparaît chez Marx que sous les modalités de son procès, et de ses éléments, en relation avec le procès de l'accumulation du capital.
B Coriat. Science, technique et capital. Plus loin, dans la conclusion du livre :
Chez Marx, les modifications techniques sont toujours envisagées du point de vue du capital. Il n’y a pas de “progrès” des techniques de production qu’en tant que celles-ci permettent d’agir sur le rapport fondamental du mode capitaliste de production : temps de travail nécessaire/temps de surtravail. Par là, il est possible d’affirmer que - chez Marx - tout “progrès” des techniques de production est d’abord “progrès” interne au capital, progrès des techniques capitalistes de production et d’extorsion du surtravail.
Plus loin encore dans la même conclusion :
Le concept de progrès technique occupe dans l’économie politique et chez Marx une place radicalement différente ; pour l’économie politique, elle est au centre d’une théorie de la “croissance” elle-même pensée de façon a-historique et a-critique ; pour Marx, elle est un des éléments d’une théorie de l’exploitation du travail salarié et de la domination du capital sur le travail.

"La science moderne est en même temps une étape des connaissances humaines  et une création de classe de la bourgeoisie occidentale. Elle pose les questions que le capitalisme estime nécessaires à la poursuite du profit et de la puissance. Pour les résoudre, elle applique les méthodes élaborées par les avancées antérieures de la science et fournit des réponses compatibles avec le système de la pensée bourgeoise. Elle fait partie à la fois des forces de production et des relations de production. En tant que marchandise, elle relève de la contradiction entre valeur d'échange et valeur d'usage. Elle est à la fois une réflexion et une interprétation de la réalité et une dissimulation idéologique de cette réalité. C'est un produit de la révolution bourgeoise, mais comme la démocratie bourgeoise, elle va au-delà des besoins et des désirs de ses possesseurs et devient un embarras et parfois un adversaire sans jamais se débarrasser des stigmates de ses origines. La science  est à la fois un cri de bataille pour la liberté intellectuelle et une justification de l'oppression et de la domination, une arme contre la manipulation de la superstition et un rejet chauvin et raciste de connaissances des cultures du tiers-monde; c'est une condition de notre existence et une cible de nos politiques, un terrain de coopération internationale au-dessus  des barrières idéologiques et un lieu de lutte des classes, un guide de nos luttes pour changer le monde et une rhétorique de dogmatisme et d'autosatisfaction. Dans son fonctionnement interne, elle montre une sophistication croissante dans le minuscule à l'échelle du laboratoire, et une irrationalité croissante du point de vue de l'entreprise scientifique dans son ensemble. La science feint d'étudier l'inconnu  en prétendant qu'il est exactement comme le connu et oublie ensuite qu'il s'agissait d'une feinte."
(Richard Levins, introduction au numéro spécial de la Monthly Review Science, Technology and Capitalism, juillet Août 1986)

La bourgeoisie a dépouillé de leur auréole toutes les activités qui passaient jusque-là pour vénérables et qu’on considérait avec un saint respect. Le médecin, le juriste, le prêtre, le poète, le savant, elle en a fait des salariés à ses gages. 
Marx. Le Capital  Livre premier

Lorsque le capital enrôle la science, la main rebelle du travail apprend toujours à être docile. 
Citation de Ure par Marx Le Capital Livre premier.